Histoire et architecture
L’actuelle gare de Via Rail de La Tuque a été construite en 1938, en remplacement de celle du Transcontinental, érigée dans les années 1910. Il existait cependant une première gare (celle de la Québec et Lac-St-Jean), érigée rue Tessier, principalement pour le compte de l’usine de pâte à papier de la Brown Corporation. Puis, pendant de nombreuses années, elle servit d’entrepôt à des marchands de la ville avant d’être démolie. La décision de réutiliser une section de l’ancienne gare comme hangar à marchandises a certainement joué un rôle déterminant dans le choix d’un modèle en continuité, plutôt qu’en rupture, avec la tradition ferroviaire. Bien assise sur ses fondations de béton, la gare du CN de La Tuque est coiffée d’une toiture à croupes. Elle serait assez semblable à l’ancienne, si ce n’était du revêtement extérieur en stucco et du mur pignon orné de faux colombages qui orne la façade principale. Cet élément domine toute la composition et, par son style néo-tudor, fait une révérence à la communauté anglophone de l’endroit. La gare semble toutefois résister au vent de modernisme qui souffle sur la ville, avec la construction de la centrale hydroélectrique qui affiche une architecture Art déco.
Le design de 1938 dégage une impression de solidité qui est due à la fondation laissée apparente jusqu’au seuil des fenêtres. Pour créer un décroché faisant pendant à celui du bureau, on a placé le bloc sanitaire à l’extérieur du plan rectangulaire. Toutefois, au lieu d’interrompre la toiture comme à l’avant, sa pente est simplement prolongée; notons que la lucarne en chien-assis n’éclaire que l’entre-toit. Un souci de symétrie domine la composition, plus évident si on fait abstraction de la partie correspondant au fumoir. Le stucco de couleur claire contraste agréablement avec la partie inférieure des murs et avec les éléments décoratifs du mur pignon.
Le hangar à marchandises, attenant à la gare proprement dite, avait été créé à partir de la vieille gare qu’on avait amputée du décroché avant et de la rallonge de 1920. Cette partie d’origine avait été réinstallée sur une nouvelle fondation de béton, située sept pieds vers l’arrière par rapport au site d’origine. On avait alors pris soin de conserver les anciennes portes et fenêtres de bois, ainsi que le revêtement de toiture en bardeaux d’asphalte vert. Les vieux murs avaient été recouverts de stucco afin de s’harmoniser avec la nouvelle gare.
La seule intervention d’importance qui a affecté l’enveloppe extérieure de la gare a eu lieu en 1964, alors qu’on relocalisait la salle des bagages dans l’ancien fumoir. La porte-double située face aux voies ferrées date de cette époque.
Lorsque VIA Rail investit ses locaux, vers 1986, on remanie de nouveau le plan. Comme il faut créer deux secteurs indépendants, on condamne le passage séparant les deux salles d’attente, éliminant par le fait même le guichet. Une nouvelle billetterie fait son apparition et le bloc sanitaire est révisé en fonction des nouveaux besoins.
La qualité de cette construction, qui combine béton (fondations et planchers) et bois (charpente et toiture), se reflète dans le bon état des lieux après cinquante ans d’existence. D’après la coupe de 1938 le plancher de la gare serait formé d’une dalle de béton coulée en continuité avec la fondation; les tuiles «heavy duty», collées directement sur la surface, pourraient être d’époque. Pour assurer une meilleure isolation des murs extérieurs, on aurait rempli les espaces entre les poteaux (2″x 6″) d’un mélange de copeaux d’épinette noyés dans de la chaux. La même technique aurait été utilisée pour le plafond. Ce n’était sûrement pas les copeaux de bois qui faisaient défaut à La Tuque!
La gare de La Tuque est située au 550 Saint-Louis et elle est opérée par Via Rail Canada.
Source : Commission des lieux et monuments historiques du Canada
Rapport sur les gares ferroviaires
Gare du CN, ville de La Tuque
Photos : Pascal Conner